samedi 27 décembre 2014

Faren Wio - Rencontre - 1

A l'approche des caméras de l'immeuble, Taert camouflait au mieux la détresse qui aurait pu se lire sur son visage. Au scanner d'entrée de l'immeuble il présenta sa requête  :

-Taert Ligan. Sonner chez Sadie Fray.

L’écran indiqua l’enregistrement de la demande, sa vérification, puis un signal sonore lui indiqua le processus en cours de mise en relation, très vite interrompu par :

-  Oui ? fit une voix à l’interphone
-  C’est Taert. Je suis arrivé. Et... je suis plutôt chargé.
-  Bien sûr. Entre.

Un buzz indiqua le déverrouillage de la porte.

Sadie suivait sur son moniteur Taert en train de se diriger vers l'ascenseur, suivi de près par une valise de grand volume. Quelques instants après, la cabine d'ascenseur stoppait à son étage. Elle ouvrit et les vit remonter le couloir jusqu'à elle.

Il entra dans le vestibule, puis se dirigea dans le salon faiblement éclairé par les lueurs extérieurs d'une fin d'après-midi grisonnante. La valise avait suivi sa trace. Elle s'était parquée au milieu de la grande pièce. Sadie ferma la porte d'entrée,  puis celle du vestibule juste avant d'imploser  :

- Tu te fous de moi ? La police interne vient à peine de me lâcher, et tu m'en ramènes un autre ? 
- Tu t'es engagée à nous aider et je n'avais personne à qui la confier dans les parages. On a pas eu le temps de recruter quelqu'un d'autre, expliqua Taert. Je l'ai repéré tout à l'heure. Franchement je ne pensais pas qu'il en sortirait tout de suite un autre. C'est inattendu, et inespéré !  Il se passe quelque chose au Centre. Elle est notre moyen d'en savoir plus.
- Oui donc tu es venu chez moi... et avec " elle ". D'ailleurs, Elle ?...
- " Elle ", oui. Cette fois c'est une fille... Elle avait des agents du Centre a ses trousses, comme l'EDRA de la dernière fois. Mais aussi ceux de la garde Sénatoriale !  Je devais la cacher rapidement.
- Tu es venu directement ?demande Fray alarmée.
- Bien sûr que non !  On a tourné entre la banlieue de Selic et Ayos pour en perdre un maximum. Puis j'ai lancé les derniers sur deux fausses pistes grâce aux nouveaux anti-trackers. On est revenu dans ton quartier une heure après. Personne ne nous a suivi. J'ai suivi le protocole.

Devant le silence exaspéré de Fray, Taert reprit :

- C'est juste l'histoire d'une semaine. Le temps que j'informe les autres et surtout que nous préparions son arrivée dans le nouveau quartier général. Nous n'avons pas encore fini de bouger notre équipement...

Fray leva les yeux au plafond :

- Vos trois détecteurs de moustiques ? se moqua Fray avant de marquer une pause.  ...  Je dois aller au poste. Après la perte du premier, apparemment ils ne sont pas près de lâcher celui-là. Même le commissariat a été mobilisé pour la retrouver. On m'a appelé dix minutes avant que tu arrives. Je dois y aller maintenant, sinon ça va paraître suspect.

Taert s'approcha de la valise et fit glisser lentement l'ouverture latérale :

- Tu peux sortir. Ici tu es en sécurité.

La jeune femme se déplia péniblement, mais émergeait visiblement avec hâte du bagage.  Ce qui la distinguait rapidement outre ses cheveux courts en bataille, était ses gestes et son expression : volontaire et très renfermée. Elle cachait mal la tension de son inquiétude. Ces yeux aux iris verts cerclés de bleu vous happaient plusieurs secondes une première fois, puis se détournaient définitivement pour ne revenir que très rarement vers vous.
Une fois sortie de la valise, elle sonda rapidement la pièce de tous côtés. Par intermittence elle venait recueillir les réactions de Sadie devant son investigation à la volée.

Taert reprit d'une voix convaincante :

- Je t'assure qu'il n'y a rien à craindre ici.

  S'adressant à Fray :

-   Elle comprend globalement, mais elle ne parle pas assez notre langue pour communiquer.  Le temps qu'elle apprenne un peu mieux... Il te reste des pilules de la dernière fois ?
- Oui, il m'en reste.  Autrement je devrais en trouver dans mes affaires de voyage.
- Je sais que c'est encore délicat à ton commissariat. Mais si tu pouvais faire entrer son identité dans le système collectif local assez vite ?... ça nous permettrait de circuler plus rapidement quand on la récupéra.
- Depuis qu'on a fait entrer la fiche de l'autre EDRA, ils sont sur leur garde. A mon avis avec celui là qui vient de sortir, c'est la première chose qu'ils vont surveiller étroitement, et tous les inspecteurs qui y ont accès avec.  Demande à Ulrick. Il a fait un bon travail sur mon système. Mais je lui conseille de créer une fiche dans le système général cette fois, avec une généalogie complète. Sa fiche passera mieux inaperçue.
- C'est plus difficile et ça demande aussi plus de temps... Si il a besoin d'un code pour aller plus vite, il peut compter sur toi ?
- On verra. Laisse moi d'abord voir comment les choses se passent au commissariat.
- Je sais à quoi je t’expose... dit enfin Taert après une courte pause.

- Où est-ce que tu l’as trouvée ? demanda Fray sans vouloir s'attarder à croire ce soudain intérêt pour les risques qu'elle prenait.
- A trois blocs du Centre. Elle courrait vêtue de cet...habit bleu, comme le premier. On a réussit à récupérer d'autres vêtements malgré la traque.

Devant le nouveau silence de Fray, Taert reprit.

- Tu es la seule en qui j’ai assez confiance, et accessoirement tu es aussi la seule à part moi et Ulrick avec un système de surveillance domestique neutralisé convenablement.
- Quelle chance.
- On va y arriver.
- Optimiste Taert.
- Jusqu’à mon retour veille sur elle et fais attention à ce qu’elle ne sorte pas. Elle a essayé de me fausser compagnie au début… D’ici là je pense qu' Ulrick aura terminé de créer les profils et ses cartes d’accès, assura Taert alors qu'il rejoignait la porte pour sortir.

-  Hey ! Avant de partir. Elle a un nom.. l'EDRA ? demanda légèrement caustique, Fray.
- Elle dit s’appeler " Färhen Wio "
- Faren Wio... ? Wio, comme ?... Fray détourna légèrement la tête alors qu'elle comprimait la venue d'un sourire au coin de sa bouche.
- Oui comme les boîtes de céréales... Ecoute, je ne sais pas d'où lui vient cette idée. Elle a peut-être vu une affiche quand elle s'est échappée. ... Tout ce qui compte c'est qu'elle se sente en sécurité. Alors ne dis rien. Je reviens dans une semaine.

Taert fila dans le couloir avant de s’engouffrer dans l’ascenseur.

Sadie se retourna vers Faren, attrapa un de ses poignets avec beaucoup de délicatesse, prit une pile de magazines, et l’emmena s’asseoir à la tête du lit. Un clic attira l'attention de Faren vers son poignet :

- Je suis désolée pour les menottes. Mais je dois filer au commissariat. Alors jusqu'à mon retour : tu feuillettes, tu dors, et tu ne bouges pas.

Surprise par la manoeuvre, Faren protesta en grognant et en tirant sur la menotte attachée au barreau du lit. Sadie fit cesser son agitation en immobilisant ses bras et en lui indiquant de la regarder dans les yeux. Une fois captée son attention elle articula posément :

- J'ai hâte de t'entendre jurer dans notre langue vu l'énergie que tu mets à grogner. Mais je n'ai pas le temps de commencer par la phase on se rencontre, on discute, on rit on pleure etc...

Faren secouait la tête pour dire qu'elle ne comprenait pas.

-  Je sais que tu ne comprends pas, et les menottes ne sont peut-être pas le meilleur signe d'accueil cordial, mais, calme toi. Je reviens. Je te promets, tout va bien.

Faren soupira, fit une moue et une claque de dépit avec sa langue.

-  Bien ! finit Sadie avant d’attraper son gilet et son arme. J'y vais cette fois.

Et la porte claqua derrière elle.


Faren regardait autour d’elle.

Il n'y avait qu'une autre porte à part celle menant au vestibul. Dans l'entrebâillement on devinait un sol carrelé : probablement celui d'une salle d'eau.  Autrement l'appartement se résumait à cette pièce et au petit hall d'entrée. Face au lit, un buffet en bois s'étirait le long du mur. Deux gros fauteuils trônaient autour d'une petite table face à la grande baie vitrée.
L’appartement disposait d'une large vue sur la ville. Depuis sa place,  Faren pouvait en apprécier le paysage. Elle passa beaucoup de temps à détailler l'horizon et les immeubles alentours. A vue de nez, elle estimait se trouver vers le 40e étage. Lassée un moment par l'extérieur, elle songea à ouvrir ces magazines laissées à sa portée. Mais la fatigue tombait sur ses épaules. Elle préféra s'allonger et sombrer dans le sommeil.

Dans ce sommeil, une torpeur vint se loger au milieu de sa poitrine. Il lui sembla que l'action de vagues harassantes venaient la rouler d'un côté, puis de l'autre.
Elle ne trouva aucun repos jusqu'à l'apparition étrange d'une chaleur douce, et apaisante. Les vagues se muèrent alors en un doux roulis précédés de la cendre sonore des lentes marées qui avancent sur le sable et repartent dans la nuit. Elle distinguait à présent cette plage éclairée par le croissant frêle de la lune. Il y avait aussi des parfums chauds et de miel, les mèches d'une chevelure noire qui venaient se prendre dans ses lèvres. Un visage flottait, souriait et repartait dans la nuit brune.
Ses reins se détendirent, sa respiration se libéra, et ses bras s'animèrent de plus en plus précisément autour d'une masse noire mais ... qui lui sembla soudain peser de tout son poids...  Elle se réveilla, consciente tout à coup de la présence de quelqu'un sur elle. Elle repoussa l’intrus de sa main libre.

- Hééé ! Du calme ! entendit-elle alors que la pénombre avait maintenant pris sa place dans la salon. 

Quelqu'un s'assit sur le lit et alluma la lampe de chevet :

- Tu n’aimes pas ce genre de réveil ?

L'intrus mis à distance était une jeune femme qui ressemblait à celle qui se trouvait dans son rêve.

Faren fronça les sourcils en guise de réponse.

- oh ! je suis désolée... je ne voulais pas te faire peur...  Je pensais que Sadie t'avais laissée pour moi...   Elle t'a oubliée au bord du lit ou tu es vraiment mon petit cadeau de retour ? demanda-t-elle très excitée.

Faren lui indiqua les menottes.

- Tu n'es pas très bavarde.  ... Attrapant le poignet de Faren :  Ah.  Oui mais ça ne m'en dit pas plus. Sinon que Fray t'a laissée au bord de notre lit, et avec ses menottes en plus...

Examinant Faren :

- C'est bizarre. Tu n'es pas comme les autres. Et puis je te lis très facilement. Pourquoi es-tu si effrayée ?...

Approchant la lampe de son visage, elle continua son monologue  :

- Décidément tu es spéciale. Tu dois forcément être mon cadeau.  Elle ne m’en voudra pas si je prends un peu d’avance... Tiens regarde à l'intérieur de ma main, fit-elle, alors qu'elle tendait sa paume vers Faren.

- Tu ne vois donc rien ? insista-t-elle, encourageant Faren à regarder plus attentivement au centre de sa paume.

Faren recueillit sa main avec hésitation, puis passa le bout de ses doigts sur les jointures fines et la surface plane de la palme. La jeune fille posa alors son autre main sur l'épaule de Faren, et vint lui souffler à l'oreille des phrases au timbre si sucré que Faren s'en sentit confuse.  Elle tenta de l'ignorer en regardant avec plus de concentration la paume qu'elle tenait dans sa main. Mais dans cette paume, elle discerna entre stupeur et émerveillement l'apparition d' un papillon dont les ailes vivaces se mirent à battre au rythme de ce qui lui semblait être le sien. La main de la jeune fille, qu'elle perçut alors soudainement si étrangement froide, glissa autour de son cou, et malgré la danger que lui indiquait son souffle court, Faren se laissa pousser sans résistance contre le lit, en suivant dans sa chute, l'envolée du papillon vers la ville.

Dans une semi-conscience, ses gestes n'avaient plus aucune incidence, et son corps agissait avec une volonté propre qu'elle peinait à questionner. Elle embrassait l'obscurité qui prenait parfois forme ou qui autrement, s'évaporait dans une sensation qui s'appartenait elle-même et décidait de la mesure de ses caresses en retour. Elle tenta plusieurs fois de batailler avec les restes éparpillés de sa conscience. Mais en vain, le corps arrivait au beau milieu du langage comme une bourrasque, balayant toutes les bribes d'une parole construite et tous les liens qu'elle aurait pu reprendre. Pendant les phases de repos de son combat intérieur, elle observait depuis sa place, la danse charnelle à laquelle se livrait son corps. Il lui semblait qu'il essayait par la même occasion de la séduire, de la convaincre de se rendre, à ce rêve... " sans conséquences... ".        

Une voix autoritaire gronda comme un coup de tonnerre dans l'épaisseur de cette confusion  :

" Thea ! Mais qu'est ce que tu fais ?

- Mais, Fray !...  " 

Faren se sentit soudain chuter dans le vide et perdit immédiatement connaissance.

dimanche 6 avril 2014

Scène 36 - L'appartement ( partie I )

Ses mains avaient toute autorité sur moi. Qu'elles caressent ou punissent, je traversais la même volupté.

Quand je l'ai rencontrée, j'ai su que commençaient mes derniers jours. Voyez-vous, je suis porteur de cette maladie de tempérament, celle de vouloir mourir par amour. J'avais déjà échappé plus d'une fois à cette déchéance promise, quand ce jour-là, lorsqu'elle est arrivée devant moi, c'en était fini. L'entaille était faite. Si j'avais essayé de fuir, je serais mort exsangue, seul, dans une allée. Il fallait accepter. C'était le moment d'accepter.  J'en avais fini de combattre ce sort. 

Quelque part j'étais soulagé de me rendre enfin; de ne trouver plus d'autre issue que de lui appartenir. Cette fin en valait bien une autre, après tout.

" - Je ne vous aime pas. Je dis cela maintenant pour me rappeler de ce moment qui est sur le point de disparaitre.

Que vous m'aimiez j'en mourrai, que vous me détestiez, j'en mourrai. "

Un court instant, elle m'a toisé d'un regard moqueur. Puis elle a levé son menton avec un intérêt d'oiseau de proie. Je n'ai rien lu dans ses yeux, je n'ai rien lu sur ses lèvres. Elle voulut bien de moi à ses côtés.

Elle me prit à son service comme secrétaire personnel. Elle prétendit auprès de ses amis qu'une faiblesse grandissante justifiait ma présence constante auprès d'elle. Aucuns ne trouvèrent à douter de ses explications.

Je m'étais donc installé dès le lendemain de notre rencontre, au 104 de la rue rosière dans le 14e arrondissement de Paris. Elle n'avait pas de chambre d'ami et je n'eus pas d'espace à moi. Je fis parti du sien. Je vivais au milieu de ses allers et venues dans l'appartement, au rythme de ses réveils et de son coucher.

Oui. Chaque journée était différente, mais chaque nuit la même; lorsqu'elle apparaissait en peignoir de soie gris perle, quelques instants avant que je n'éteigne la petite lampe du salon où je dormais. Elle venait prendre le journal et repartait sans un mot. Chaque soir.

*****
Il est 18h :

" - Dis-moi que tu m'aimes. Non, non... dis moi...  combien et comment tu m'aimes.

- Je ne connais plus aucun répit de l'amour depuis que je vous ai rencontrée. Il me traque sans cesse, du matin jusque dans mon sommeil. Vous êtes tour à tour ma joie et mon inquiétude. Je vous aime tant, que j'ai oublié qui j'étais. Qui vous aime.

Dans le silence, alors qu'elle regarde le dos de sa main entre deux soupirs, il continue :

- Il n'y a que votre personne et votre beauté qui puissent égaler l'amour qu'il suscite. Devant lui, et devant vous, par extension, je me sens laid. Cette laideur et comme une tâche qui grandit chaque jour. Cela me fait souffrir. Car chaque jour j'ai plus envie encore de vous épargner la vue de ce monstre hideux qui prend forme. Je voudrais me cacher, sans vous perdre, mais comment faire ?  Ce tourment me donne le sentiment d'être un impie, un égocentrique, un ingrat, devant un soleil qui resplendit chaque matin plus encore. Et devant...

- Oui, oui, oui...       ...     ...      Ce soir je ne t'ai pas dit, je dîne avec Jean-Marie. Nous nous reverrons tard, bien après le coucher, à moins que je ne rentre demain matin. ... Tu m'attendras ? Tu auras mal ?

- Oui beaucoup.

- J'y prends goût. ... Tu me pleuras ? Tu pleuras beaucoup?

- Oui

- A minuit je penserai à toi, peut-être.

- ...

- Tu ne dis rien. Surtout si tu veux te tuer ce soir attends-moi. Attends-moi s'il-te-plaît. J'aimerais au moins te dire au revoir.

- Oui

- Tu sais que je t'aime

- Vous m'aimez ?

- Non, je dis ça comme ça.  ... *Elle sourit contente d'elle-même*

Fais moi couler un bain."
*****

Certaines nuits, de rares nuits, elle vient me trouver dans la pénombre du salon. Elle attrape le col de ma chemise et nous glissons tous deux sur le canapé.

A certains moment je crois ne plus l'aimer. Mais à l'instant suivant je réalise le mirage. Vidé, et désespéré, esclave brut, aux yeux hagards, je ne possède de la liberté qu'un souvenir vague et éteint. Et lorsque le mouvement de notre étreinte commence, au milieu des gestes que je calcule avec tant de dévotion pour lui procurer ce dont elle a besoin, j'attends et j'espère qu'un des siens scelle encore un peu plus mon sort.

Il m'arrive aussi parfois, d'être si timide devant la fragilité de sa taille. Ses bras chétifs m'enlacent comme un tour de corde mal ajusté, qu'un simple geste pourrait facilement défaire. A la vue des replis lestes de son cou, je ne suis que tendresse. Et lorsque mon regard se porte au coin de ses yeux je me sens anobli de partager les secrets de sa faiblesse. Je n'aime rien d'autre que sa peau malmenée par le temps. Je n'aime rien d'autre lorsque la nuit nous efface du temps.

Scène 36 - L'appartement ( partie II )

 
Il est 6h. Elle revient au petit matin :

- Alors tu es vivant ?

- J'ai de la peine

Elle se dirige droit dans la salle de bain et s'enferme.  Puis dans un fracas, elle ouvre la porte et fonce droit sur lui.

- Où les as-tu mis ?... Où les as-tu mis, réponds

- Je les ai cachés. Je les prendrai lorsque vous ne vous y attendrez pas. Vous ne m'ôterez pas le choix de mourir avec un reste de dignité.

- De dignité ? Mais mon pauvre hère, si tu avais de la dignité tu ne serais pas là !  Donne-les moi !

- Non

Elle l'attrape et le secoue violemment

- Mais tu vas me les donner, oui ! imbécile !

- Mais que vous importe de savoir quand,... et même ! que vous importe que je parte cette fois ! Vous ne m'aimez pas !

- Et qui me dira comme je suis belle chaque matin ? Et qui me regardera de ces yeux stupides enamourés le soir ?

- Vous m'aimez ?

- Bien sûr que non !

- Vous ne m'aimez pas...

- Mais voudrais-tu que je t'aime ?... Vraiment?... N'es-tu pas heureux de cette douleur par quoi je t'accompagne ? N'es-tu pas content en ma présence ?

- Je meurs lentement.

- Et bien continue ! Continue s'il-te-plait et donne-moi ces cachets que nous aillions nous coucher !

*****

Le lendemain au réveil :

Elle s'étire en sortant de la chambre.

- Ah j'ai bien dormi.

Elle s'approche du canapé. Il est caché sous les couvertures. Elle se met à califourchon sur lui, avec gaieté.

- Oh lève-toi ! Il fait si beau dehors.

Il  se retourne et se renfrogne contre les coussins du canapé.

- Bon...    Tu es fâché ?

Silence.

- Je ne suis pas rentrée si tard.

- Vous êtes restée chez lui !

- Oh tu es jaloux. Mon petit secrétaire est jaloux, s'amuse-t-elle.
Oh hé bien sois jaloux. Ce sera la journée de la jalousie.

Elle se lève du canapé.

- Je vais préparer le petit déjeuner pour aujourd'hui. Je suis d'une telle humeur !

- Vous êtes une... !

- Quoi ? Mais dis tout haut ce qui vient de te manquer tout bas ! Soudain tu ne m'aimerais pas ?

Il se détourne d'elle. Elle se rassoit au bout du canapé.

- Allons. Un peu de courage. Dis-moi donc ces mots-là.  Quels sont-ils ?... Voudrais-tu me voir souffrir ? Voudrais-tu me faire du mal ?

-  ... Je ... Je ne vous ferai jamais aucun mal. Vous le savez...   Je vous aime, dit-il avec un dernier souffle court.

- A la bonne heure !  

Elle se relève. Et continue :

- Allez debout. Si tu es sage, je pourrais même avoir envie de t'habiller moi-même tout à l'heure.

- Je n'ai pas b... je ne...

-  Ne fais pas le timide. Je sais bien que cela te ferait plaisir.

Il baisse la tête.

- Bien, quelques minutes... et rejoins-moi dans la cuisine.

Elle traverse le salon pour rejoindre la cuisine.

*****

Il est 16h, elle lit le journal sur le canapé. Lui, est recroquevillé, et s'approche petit à petit  :

- Tu ne sors plus beaucoup en ce moment.

Il articule à peine :

- Je n'aime pas être loin de vous.

- Qu'est-ce que tu dis ? tu marmonnes, je ne t'entends pas.

- Je dis que je n'aime pas être loin de vous.

- Il faudrait pourtant que tu t'aères. Ne compte pas sur moi tout le temps pour te trouver des distractions. La semaine dernière nous avons parcouru tout Paris. Mais pour cette semaine j'ai quelques articles à rattraper.

- Alors je resterai.

Il remonte encore vers elle. Son crâne approche la ligne de sa cuisse.

- Ah non! je te vois venir ! Tu m'envahis là ! Laisse-moi donc !

Il obtempère et descends plus bas sur le canapé.
Elle replonge dans sa lecture.

Quelques minutes plus tard, il remonte à nouveau auprès de sa cuisse.

Plusieurs minutes ont passé, lorsqu'elle se met à caresser la ligne de son menton et le plat de sa joue du bout de ses doigts.

- Tu ne vas plus non plus à tes cours...

- A quoi bon ?

- Tu m'offrirais des conversations de meilleures qualités et plus variées.

Il hausse les épaules.

- Je ne veux pas être de mauvaise compagnie.

- Au lieu de tirer au flanc, fais donc un peu d'exercice comme tu le fais de temps de temps. Qu'au moins tu me montres des choses agréables à regarder.
Il se lève et se met à faire des pompes devant le sofa.

Elle le regarde. Puis reprend la lecture de son journal.

Hésitante, elle pose finalement ses pieds sur le dos du jeune homme.


Scène 36 - L'appartement ( partie III )

*****

Il est 1h du matin :

Le jeune homme dort dans le salon. La femme entre dans l'appartement accompagnée d'une jeune fille. Elles avancent doucement vers le sofa pour le surprendre.

La femme fait glisser lentement les couvertures. Il se réveille avec un léger sursaut à la vue des deux sphinx planquées à la lisière du canapé.

- oh il dormait déjà !

Elle allume la petite lampe du salon et lui présente d'un signe de tête la jeune fille.

- N'est-elle pas jolie ?

Il ne répond rien et regarde tour à tour les deux silhouettes.

- La même, mais avec quelques années de moins. Cela te plaît ?  ...

Elle n'obtient pas de réponse. Elle continue, un brin agacé :

Ce que tu peux être nigaud parfois. Alors... ? embrasse-là ! qu'est-ce que tu attends ? embrasse-là.

Il reste indécis.

- Oh... bien, si je fais cela ?

Elle s'approche et embrasse la jeune fille, et reprends :

- Eh bien là. Tu n'en as pas envie ? Tu ne la désires donc pas ?

Il se redresse, presque embarrassé. La jeune fille monte le rejoindre sur le canapé. Il reste interdit, regarde la femme avec un visage sans expression, et embrasse avec mollesse la jeune fille. Mais le premier baiser en appelle un autre, et les caresses se déploient. Les vêtements tombent, et la jeune fille, alors descendu entre ses cuisses, se met à lui faire une fellation.

Postée derrière lui, la femme lui caresse le torse et les tempes. Abandonné à son désir, il se laisse faire, quand soudain la femme les interrompt pour les emmener dans la chambre. 

*****
Au réveil :

La femme est assise, légèrement penchée au dessus de lui lorsqu'il ouvre les yeux.  Lorsqu'elle s'aperçoit de son réveil, elle démarre d'un coup de sang :

- Bien visiblement cela t'a plu ! lui dit-elle avec aigreur. J'espère que tu en as bien profité. Maintenant tu prends tes cliques et tes claques et tu dégages. Je ne veux plus de toi ici.

Sa véhémence a réveillé la jeune fille :

- Oh puis toi aussi, tu dégages ! Je n'ai pas que ça à faire de trainer avec des bébés de votre âge !

Le jeune homme se lève lentement, et va pour ramasser les quelques affaires éparses au sol. Puis immobile, il réalise :

- Je ne voulais pas. Je... Je n'aime que vous. Vous le savez. je croyais que...

- Oh ça suffit ses pleurnicheries. Depuis plusieurs jours ton amour est devenu cette pleurnicherie incessante. " Il est laid. " Tu, es laid !  Je ne veux plus te voir. Tu me déprimes ! ...  Tu comprends ça ? Tu me déprimes !

Elle l'attrape par le coude, l'emmène dans le salon et lui colle dans les bras d'autres affaires qui trainent.

La jeune fille, indifférente, part nonchalamment de son côté, elle s'habille.
Pendant qu'il rassemble ses affaires dans le salon, elle sort de l'appartement.

- oh dépêche-toi ! dit-elle les mains nerveuses. Dépêche-toi, je n'ai pas que ça à faire !  J'ai rendez-vous cet après-midi.

Le rouge aux joues il réagit avec un brin de révolte :

- Avec qui ?   ... Avec qui avez-vous ce rendez-vous ?

- ça ne te regarde plus. ça ne t'a jamais regardé d'ailleurs.

- Avec qui ? insiste-t-il en l'attrapant à son tour violemment. Dites-moi !

Elle le repousse. Et grinçante, amusée elle glousse :

- Oh mais lâche-moi ! ... mais qu'est-ce qu'il te prend !  ...  Ce n'est plus le moment de faire le jeune homme plein d'assurance et de virilité.

- Je ne bougerai pas.

- Sors ou j'appelle la police, lui répond-t-elle soudain sèchement.

Il la regarde avec un visage plus clair que ces derniers jours. Il respire fortement.

- Je ne voulais pas.  Ne me mettez pas dehors...

- C'est trop tard. ... Sors.

Il abandonne et quitte l'appartement.

*****

Assis à une table de café.

Dans ses oreilles il y a tant de silence. Pourtant la vie tourne encore. Les serveurs s'agitent, les chaussures claquent au sol, la télé semble même sautiller sur son petit rebord, là-haut accroché au mur, derrière le bar. Tout est pourtant si calme en lui, tout est si éloigné.  Il retourne dehors, entamer une marche, pour quitter cette torpeur. Mais rien ne bouge en lui-même. Et autour, tout parait faux. La rue est un décors animé d'un charivari de sons qui ne s'appartiennent pas. Les hommes et les femmes se ressemblent. Et ce silence en lui qui enfle et le tient maintenant par les tempes!

 Il est enfermé dehors. Tout devient si lourd, et ses jambes, ses jambes n'y tiennent plus. Dans le square vers lequel il a marché sans vraiment s'en rendre compte, il y a ce banc. Alors il s'assoit. Le soleil tourne autour de ses épaules jusqu'au soir.

*****

La nuit. Il fait nuit. Le square va fermer. Dans la rue, sous les néons oranges, ses yeux voient bien mieux qu'en journée. Il respire mieux, caché par l'ambiguïté des lumières. Il marche droit devant, puis il se perd. Pas vraiment, mais... quelque chose en lui se perd. Alors il revient. Il revient sur ses pas. Et tant qu'il ne se retrouve pas, il ne s'arrête pas de revenir. Et lorsqu'enfin il se sent mieux, qu'il respire, il est devant la porte qu'il a fermé au matin. Il demeure là, dans la pénombre. La fenêtre de la cage d'escalier laisse entrer un rayon de lune.

Il écoute la musique de l'appartement. Elle, qui marche de la salle de bain à la cuisine. Les froissements de sa robe de chambre lorsqu'elle revient dans le salon. Elle qui passe parmi les objets. Le craquement du canapé lorsqu'elle s'assoit et se relève pour revenir vers la chambre. L'interrupteur qui éteint la vie de l'appartement.

Longtemps après, il s'assoit sur une marche. Se recroqueville et trouve en lui le réconfort d'être encore à quelques mètres d'elle.

*****

Quand il se réveille, ou plutôt qu'il se relève de cette nuit de somnolence, il est encore tôt. Le soleil brille d'un éclat terrible, et le ciel est aussi vibrant qu'un ciel jeté sur la mer en été. Il rejoint la rue, et se résout à rejoindre l'appartement d'un ami.

Sur son chemin, il croise un fleuriste. Il achète une plante verte, et sans réfléchir vraiment retourne à l'appartement. Il dépose la plante devant la porte. Il écrit trois mots, et part. Hausse les épaules. Un cadeau d'adieu peut-être.

Dans la rue, il se sent plus léger. Il est ravi de pouvoir profiter du soleil de si bonne heure.  

Son portable sonne.

- Tu es où ?

- Je suis... Je vais en direction du métro. ...

- ...

- Tu veux... vous voulez que je vienne ?

- ...   Tu fais comme tu veux.

Elle raccroche.

Il voit le soleil. Il le voit bien. Il voit le ciel bleu. Il le voit bien. Et puis il s'en détourne. Il retourne à l'appartement.

dimanche 29 septembre 2013

Scène 35 - Le Baiser

Son visage s'altérait, trahie par l'angoisse de la mort. Elle palpait de ses mains le mur derrière elle pour y trouver du réconfort, quand d'un revers de tête qui me surprit par sa vigueur, elle plongea son regard dans le mien.  
Une force invisible la soutenait; m'appelait, au travers de ses lèvres mourantes. J'étais dévorée, aspirée, livrée à chacun des halètements qui faisaient fléchir ma volonté. Il me semblait combattre des milliers de bras, des milliers de lierres mortifères s'enroulant à mes poings et chevilles. En vain.

Au paroxysme d'un pouvoir qui m'était inconnu, elle drainait mes propres veines de leur sang, les transformant en câbles douloureux qu'elle ramenait avec hargne vers elle. Elle m'abimait d'un regard dont je ne pouvais plus me détourner, par crainte que son absence ne me brise sur le champ, aussi certainement qu'il me pénétrait à présent de son intensité. La pièce n'était plus qu'un brouillard dans lequel tournoyaient les lumières des chandeliers, et dont les éclats miroitaient si vivement à la surface de ses mèches blondes, que j'étais terrifiée à l'idée d'y voir apparaître le tonnerre et les serpents.
Je croyais encore livrer un terrible combat lorsqu'à quelques centimètres d'elle, je devinais l'ardeur des battements de son cœur, et sentis sur mon cou ses pommettes fiévreuses et la brûlure de ses lèvres. Ses bras entourèrent mon col : "  Meurs " soupira-t-elle. Le mot se répandit jusqu'à mon cœur comme un venin mortel. Son corps se crispa, torturé par la venue d'une toux sanglante dont je sentis la moiteur se répandre dans le creux de mon épaule. Au travers de ses yeux mi-clos je voyais encore sa bouche, moqueuse et provocante. 

Je la portais à présent, usant des dernières forces qui auraient pu m'arracher à son pouvoir. Elle me serra plus fort, pressa sa poitrine contre la mienne, si bien que les parfums de sa chevelure continuèrent de jeter sur moi de nouveaux filins. Vaincue, je n'aspirais plus qu'à la mort. Et alors que je goûtai à la saveur de son sang, je sentis à nouveau la douce pression de sa bouche sur ma nuque et ses bras se refermer autour de moi avant de m'entrainer lentement dans sa chute.  Une douce chaleur monta, un apaisement, la sérénité. J'enfouissais mon visage sous son menton, m'échappant définitivement du monde, repliée comme un oiseau mort. Ses ongles s'enfoncèrent dans ma chair quand elle fut balayée par une salve de douleurs. Et je l'attirai contre moi cependant que je la berçais. 

Je devinais le passage qui s'ouvrait à elle alors que s'engourdissaient ses membres. Je nous déposais toutes deux au sol. Sa tête s'agitait maintenant confusément alors que tout son corps gisait d'un sommeil lourd. Dans un dernier éclat, elle ouvrit des yeux calmes et froids, la bouche tordue par un grognement animal et une respiration bruyante qui gonflait sa poitrine. Elle agrippa mon col, racla ma peau de ses ongles jusqu'à la déchirure. J'eus un léger mouvement de recul pris d'un dernier sursaut en faveur de la vie, qu'elle devina aussitôt. Elle ficha ses yeux dans les miens, et m'embrassa d'un baiser dont je ne revins jamais.

Scène 34 - Salaud, amore

Comme j'ai abandonné l'amour, je suis retournée, quatre mois avant, là où j'en étais. Dans la haine, les mains, les épaules, la tête à peine sortie de cette flaque. 
Pour son premier jour, elle a voulu que je me mesure à elle. Elle m'a menée vers mon café habituel. J'ai rôdé là, sans amitié, sans désir de sérénité. J'ai laissé trainer mon regard dans les pupilles qui cherchaient le désespoir ou l'envie. J'ai trouvé. J'en ai trouvé un. Tignasse mal peigné comme je les aime ces jours là. Pas rasé depuis la veille, un peu râpeux sur les joues. Juste assez pour ne pas trop aimer être embrassé.

 Arrivés chez moi, je nous ai conduis à la chambre. Sans boisson, sans minaude. J'ai enlevé le haut, j'ai baissé le bas. Il a compris où je voulais en venir. Il m'a poussé sur le lit, m'a pénétré comme ça. J'ai arraché la moitié de son oreille, car il fallait bien un peu de mise en scène. Au moins pour lui; histoire qu'il ne débande pas. Mais il n'était pas du genre à se laisser impressionner par la scène. Il a joué son rôle de petit salaud qui, venu là, n'a rien d'autre à branler que son affaire. J'ai pris mon pied. Quand il a fini je l'ai rattrapé à nouveau par les oreilles, j'ai dit " encore une fois ".  

Le temps d'attendre la recharge, il a joué le joli-cœur entre mes cuisses - j'aime les langues de ces bonhommes là; franche et large, courant sur mon sexe de là à là. Puis il est revenu, il a tiré sa queue plusieurs fois. Moi je voulais qu'il cogne, qu'il s'enfonce dans le matelas avec moi. Mes mains sur son cul au travail, je n'avais rien d'autre que cette envie là.

Je suis retournée dans la haine. Celle qui vous met dans cet état. Celui de vous faire baiser par la mort et d'aimer ça.


dimanche 15 septembre 2013

Scène 33 - Amour interdit


- Salaud ! 

- Depuis le temps que j'attends que tu me dises ça. Salope. Lui ai-je répondu en me levant du canapé. De toute ma hauteur, je me suis avancé vers elle.

- Ce n'est pas ça que tu voulais ?  Depuis le temps que tu me le demandes. C'est pas ça qu'y 't plait ? Te faire traiter comme une pute ?

La claque a volé.

-Celle-là je l'attendais. Mais qu'est ce qu'elle est hypocrite. C'est tout ce que t'as dans la main ?

Ma claque s'est abattue plus lourdement sur sa joue.
Alors qu'elle portait la main à son visage, ahurie par ma réaction, elle voulut riposter en me bousculant. J'attrapai ses poignets et les emportai avec moi contre le mur, soufflant le reste de ma colère à son visage.

- C'est pas ce qui te fait bander un gros salaud entre les cuisses ? lui dis-je hargneux à l'oreille, alors que je fouillais dans sa culotte. ... Putain mais tu mouilles déjà salope, ai-je constaté d'un air dégoûté ... C'est pas ça que tu vas chercher auprès de Victor ? Un bon gros salaud friqué qui t'en fout plein la gueule ? Tu croyais que j'allais pas remarquer tous tes bleus la dernière fois ? Il a fallu que t'y retourne voir ce gros con. Et Justine ?  T'aimes ça quand elle te pille, hein ? Qu'elle te traite comme sa chienne. 

- Arrête ça, a-t-elle demandé révoltée par mes manières.

- Et ne pas profiter de ça ? m'exclamais-je en remontant mes doigts sous son nez et vers le mien. Mais ça ! Je ne vais pas m'en passer.  Non... On va redéfinir les choses. C'est juste fini le gentil amant épris qui t'aime et te chérit. C'est pas ça que t'es venu chercher chez moi, comme chez tous les autres d'ailleurs. Non.... c'est pas ça. Tu le sais ce que j'ai au fond des veines, hein ? C'est ça que t'es venue chercher.  

- Arrêêêête a-t-elle crié cette fois d'une voix qui appelait aussi du secours. 

Une main sur sa bouche, j'ai continué de la harceler, fourrant mon nez dans ses cheveux blonds.

- Les gens qui t'aiment ça te suffit pas, hein ? Il te faut un bon gros salaud qui t'écrase ? ... Tu vas quitter ton job demain. Tu ne vois plus tes putains d'amis les tarés. Tu ne sors plus. J'vais t'traiter comme ma petite salope puisque c'est ce que tu veux, et tu vas tellement aimer ça, que tu vas te briser. Tu vas pleurer. Tu vas en vouloir plus. Puis un jour tu vas me supplier de t'aimer. Mais ça sera déjà tellement loin tout ça. Tellement loin. C'est fini.

Rassérénée par un sursaut de peur, elle m'a échappé un instant, et a tenté de rejoindre le vestibule pour sortir de l'appartement. La voir partir me mit dans une rage noire. Je l'attrapai au milieu du salon par le bras.

- Tu es fou, a-t-elle lancé avec une autre claque que j'ai évitée.

 Nous avons esquivé chacun les coups furieux de l'autre. Mais dans un éclat de mains j'ai pu la saisir au cou. Je l'ai étranglée de longues secondes en la guidant à terre. Malgré ma prise elle a réussi à me surprendre et à m'entrainer dans un dernier tumulte au sol qui a tourné à mon avantage. Immobilisée sous mes cuisses et mes poings, j'ai recommencé, le sourire aux lèvres :

- Tu vas pas partir comme ça. Non... Tu vas pas partir, lui ai-je assuré d'un ton lugubre, une main à nouveau autour de sa gorge alors que je m'approchais pour l'embrasser. 

Au lieu de recevoir mon baiser, elle a chipé ma lèvre et l'a mordue en m'arrachant un cri et une douleur terribles. En retour je lui ai assénée une claque à la tempe qui l'a séchée au sol. J'ai alors humé sur sa peau les  effluves de sueur et empoigné sa poitrine encore haletante. Je suis allé m'enfouir dans son cou tandis que d'une main crispée et agacée j'ai commencé à déboutonner son chemisier. A la moitié des boutons défaits, elle s'est animée à nouveau, et j'ai préféré assurer ma prise sur son corps , me faisant admettre avec force entre ses cuisses. Puis j'ai mieux défait son pantalon, et glissé mes doigts dans son sexe. J'ai fouillé au plus loin dans les replis chauds. 

D'une main amollie par la fatigue, elle essayait vainement de barrer ma progression. J'ai lu son impuissance et sa supplique lorsqu'elle a compris qu'épuisée, son bras ne lui était d'aucune aide. Et pour accroitre son désarroi et la narguer j'ai délaissé un temps son sexe, et suis venu retirer lentement sa main de mon buste pour y déposer un baiser avant de revenir tout aussi facilement dans le renfoncement de ses cuisses et de commencer à la pénétrer. 

Mes yeux dardés dans les siens, j'avais hâte d'entendre un gémissement ou la formule d'une nouvelle supplique. Sous la pulpe de mes doigts, la chair molle s'est gonflée et a commencé à suinter. J'en étais si satisfait que ma caresse s'en est trouvé ragaillardie. Agressif, j'ai glissé plus haut et ramené plus bas les élastiques de la chair. Les tissus se sont tendus, révélant des reliefs qui m'invitaient à découvrir des recoins plus voluptueux en profondeur. Et j'ai entendu de sa bouche un premier murmure. Un murmure qu'elle a réprimé et qu'elle m'a refusé tant et si bien qu'il m'a encouragé à venir lui arracher avec plus de vigueur. 

Sournoisement, je l'ai câlinée un peu, j'ai bercé ses hanches, une main agrippée à sa taille. Puis refermant mes doigts haineux sur sa gorge, j'ai repris ma sauvagerie, menacé, serré sa petite gorge blanche. Son sexe qui s'ouvrait encore m'a emmené à taper dans la coudée profonde. Lentement, puis brutalement j'ai tambouriné agilement. De petits piaillements distillés entre des pleurs sont arrivées par flopées. J'ai continué mes allers et venus, infaillibles et cruels, gagnant toujours plus de vitesse, toujours plus de rudesse à mesure que je croyais la posséder. 
Mais concentré à trouver de quoi l'exciter toujours plus, j'avais tant relâché ma prise, qu'elle a pu me faire basculer à la renverse et s'est précipitée dans la cuisine. Je l'ai trouvé un couteau à la main, me refoulant en arrière pour la laisser passer.

- Non... lui-ai-je dit avec certitude. Tu ne pars pas. Tu ne partiras pas sans moi.

J'ai bondi sur elle, et au moment où je lui disputais le couteau, j'ai subitement attrapé ses mains et retourné la lame contre son ventre. Le métal s'est enfoncé avec si peu de résistance que j'ai recommencé et l'est planté encore. J'ai levé alors mes yeux vers elle, pour lire dans sa stupeur ce qu'il venait de se passer. J'ai vu s'écumer les premiers bouillons rouges à ses lèvres devenues soudain si blanches et asséné une autre entaille à son ventre. Elle a flanché cette fois sur ses jambes et s'est rattrapée à mon épaule portant son autre main vers les béances irréelles. 

 Au travers de ses yeux qui mouraient lentement, elle m'a regardé obliquement. Puis un hoquet l'a renvoyée à la souffrance et à la peur qui la transperçaient de part en part. Elle s'est mise à sangloter contre moi. En réponse j'ai enfoncé à nouveau la lame dans sa chair et l'ai emmenée avec assistance s'appuyer dos au mur. Elle y a chuté lentement, et tentant à peine de la retenir, j'ai fourré ma tête sous son menton et l'ai accompagnée dans sa chute. Tous deux au sol, je lui ai dis : 

"- C'est bientôt fini ", n'envisageant pas encore ce que j'avais voulu dire. 

J'ai placé le couteau poisseux dans sa main et guidé la lame vers la partie molle au centre de mon abdomen. Sa tête ballotante s'est levée péniblement. Sa détresse était au-delà des limites de ma compréhension. C'est alors qu'un éclaire de lucidité a frappé sa pupille et j'ai senti la douleur aigre, la froideur du métal percer mon ventre. La vomissure du sang a été impossible à contenir. 
Elle m'a ouvert comme ça, plusieurs fois. Ma tête a piqué dans le creux de son épaule. J'ai entendu ses respirations courtes s'accélérer et j'ai pleurniché alors que la peur remontait le long de ma poitrine.

-Attends-moi, ai-je supplié. Attends-moi.

 Mais elle est partie. Et je me suis mis à compter les secondes où je pouvais encore respirer la fragrance de son parfum.