mercredi 18 novembre 2009

Scène 2. Le campus en été


Elle s’arrêta de respirer, crispée sous la couverture rugueuse, maintes fois lavée. A l’affût des bruits extérieurs du campus, elle n’entendit que les cigales. Elle laisserait la fenêtre ouverte pour ce soir et profiterait des quelques degrés de moins de la nuit. Le moindre filet d’air était béni depuis que l’été battait son plein. Elle jeta un dernier coup d’œil à la chambre avant de fermer les yeux. La décoration surannée, le papier peint beige et orange, rappelait vaguement l’idée des années 60. Le mobilier au contre-plaqué rogné, offrait le loisir de penser à toutes ses étudiantes qui avaient vécu dans cette chambre. A leur décision d’être studieuse, aux petits-amis qui étaient montés ici en cachette… Sa montre indiquait les deux heures passées. Elle décida de s’immerger lentement dans la fatigue.

Elle se releva tout à coup. Certaine d’avoir senti une présence sur sa nuque ou son épaule. Elle regarda autour d’elle. Combien de temps avait-elle dormi ? Moins d’une heure sans doute… Oui, moins d’une heure. Il n’y avait personne. Elle n’était pas certaine. L’appréhension la gagna malgré tout, elle grimpa même sur son lit, comme un animal vorace. Elle s’en protégea instinctivement en tirant le drap sur elle. A cet instant elle sentit deux mains saisir ses poignets au vol, deux autres ses pieds, et une masse entière lui couper le souffle. Elle hurla. Enfin, elle le voulut, de toutes ses forces, mais rien ne sortit. Un linge mouillé lui obstruait la bouche. Elle se débattit. N’arrêta pas. N’arrêta plus. Elle entendit les ressorts se moquer. Les meubles stridents s’éloigner dans la bagarre. Puis ses muscles chauffèrent, et ses bras, et la lourde et l’épuisement redouté… ses mouvements ne formèrent plus qu’une vague désespérée. On retira le drap.

Penchée sur son visage, une fille aux cheveux blonds bouclés, aux yeux verts brillants dans la nuit rouge, la dévorait des yeux. Elle regarda en arrière une grimace aux cheveux bruns et courts. On lui enleva le linge de la bouche et l’attrapant par le menton, on la bâillonna. Elle eut un sursaut de forces nouvelles… mais les deux filles appuyèrent ensemble sur son corps, et la douleur fut intense à ses poignets. Ses pieds bougèrent à peine, toujours immobilisés dans des doigts puissants. Elle tenta de protester à travers le bâillon.

La blonde la fixait dans les yeux, avec une bouche railleuse, elle la regardait comme une chatte au dessus de sa proie. Curieuse et gourmande. Elle tira un ciseau de sa poche arrière et découpa le t-shirt qui la séparait de la peau. Après cela, il n’y eut plus de calme. Ses boucles blondes s’abattirent sur elle. Elle embrassa et lécha frénétiquement, avant de longer dangereusement la ligne des seins et du ventre. Puis elle se redressa sur ses genoux, presque câline. Elle mit deux doigts dans sa bouche. Ses yeux fixes, elle plongea sa main dans le boxer de sa prisonnière, qui se cambra dans un dernier effort. Mais son corps ne tint plus. Ses muscles tétanisés répondirent à peine. Elle se laissa tomber. Elle distingua les dents de sa deuxième geôlière, découpées par ce qui devait être un sourire. Celle-ci, tirant une corde, l’enroula autour des poignets et s’assura rapidement de la fixation sous le lit. Elle desserra alors son emprise et passa largement ses mains sur le buste et les seins, avant de venir se repaître du corps épuisé.

Tandis que la première la pénétrait d’un mouvement régulier et presque trop rapide, la seconde l’enveloppait et l’étourdissait de caresses, de baisers. Elle ne bougea plus et, malgré elle, la chaleur la piégea dans les prémices du plaisir. Son sexe devint réceptif au mouvement répétitif et décidé. Le feu monta à ses joues, sa bouche s’ouvrit pour rattraper les battements du cœur qui s’emballait déjà. Son corps se déplia brusquement. Une autre fille vint se coller à la deuxième. Elles se partagèrent la peau, ne se disputaient rien. Sur le lit, trois charognards besognaient sur un animal à demi-mort. Ou était-ce trois parques qui l’emportaient. Elle sentie une surface humide et râpeuse lui caresser l’intérieur des cuisses. Une langue, puis une autre commença à parcourir ses chairs vives. Un frisson se fraya des reins jusqu’à sa nuque. Elle ferma les yeux. Sa bouche fut prise par une autre. Sa tête entière fut absorbée par des mains immenses. On attacha un bandeau devant ses yeux. Elle lui sembla être perdue plus encore. Des seins venaient parfois se cogner contre le bord de ses lèvres. Elle se surprit à en frôler plusieurs de sa langue, et de la mêler à d’autres. Elle fut pénétrée à nouveau, par des doigts souples et élastiques cette fois. Une langue fourmilla sur son sexe au même moment. Elle se cambra à l’augmentation de la cadence. Pour protester ou parce qu’elle en demandait plus. Tous ses gestes de défenses lui paraissaient confusément comme des aveux. Et quand les doigts devinrent implacables, elle sentit la chaleur l’étouffer, le frottement abrasif du drap qu’elle ne supporta plus, qui grillait son dos et ses épaules, qui grillait sa peau, et l’humidité qui la gagnait, qui coulait. Elle eut soudain la sensation de tomber infiniment dans le matelas puis de s’élever. Plus rien n’avait de substance. Elle-même ne fut plus qu’un plaisir hurlant, doux et terrible, jusqu’à l’extinction de sa voix. Jusqu’à son extinction propre.

Dans la lumière obscure, les trois ombres glissèrent hors du lit. Entre ses yeux mi-clos elles lui semblèrent flotter, l’une vers la porte, l’autre vers la fenêtre, la dernière sous le lit. Elles disparurent. Et elle, sombra dans la nuit.

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