jeudi 11 mars 2010

Scène 13 - La jeune fille à la baignoire

La plupart du temps je m’endors dans le cou des filles. Leur odeur m’apaise, et je pars tranquillement pour le pays des rêves. Mais il m’est arrivé d’être moi-même ce berceau de douceur ; pour une fille notamment. Je l’ai rencontrée au comptoir d’un bar, autour d’un café et d’un sandwich jambon beurre. Elle mangeait le sien avec des cornichons, et j’ai lancé une blague pourrie sur son cornichon qui se faisait « la maille ». Jeu de mots débile faisant allusion à la marque. Elle a sourit et nous avons discuté quelques minutes avant d’échanger nos numéros. Nous nous sommes liées d’amitié assez vite, nous parlions le même langage. Et assez naturellement nous nous sommes mises à coucher ensemble. Sans promesses, sans rien d’autre que du plaisir simple. A la fin de chaque ébat, elle venait se placer au creux de mon corps, et je refermais mes bras, mes jambes, mon buste autour d’elle, pour la couvrir, la cacher. J’avais cette pensée étrange, qu’ainsi même une bombe, quelle qu’elle soit, ne pourrait pas l’atteindre, que je la protégerais, en résistant même le plus longtemps possible à la décomposition de mon corps avant que le souffle m’emporte, particule après particule. Une pensée étrange. Plutôt niaise à entendre.

Un après-midi, après la fin de nos caresses, elle m’a demandé si j’accepterais « un truc un peu particulier ». J’ai demandé ce que c’était. Elle n’a pas voulu m’en dire plus. Il faudrait la suivre, sans question, la prochaine fois. J’ai demandé où. Elle m’a répondu : «Pas loin. Nous resterons ici. »

Ce jour là est arrivé. Nous avions déjà jouit une ou deux fois l’une l’autre. Elle se reposait à côté de moi, le matelas était trempé de sueur, son visage était caché par l’oreiller. Je me souviens bien du petit souffle frais qui remontait jusqu’à notre nuque en nous chatouillant agréablement. Je respirais profondément pour profiter de cette détente. Elle a dit : « Maintenant. Suis-moi. » Elle s’est levée. Je l’ai suivie, respectant ce qui devenait curieusement solennel. Elle nous a amené devant la baignoire. Elle m’a dit : « Je veux que tu me prennes par derrière avec le gode, et que tu me baises dans cette position ». Elle s’est jetée mains en avant dans la baignoire. Comme si elle voulait laver ses cheveux sans entrer dans la vasque pour ne pas se mouiller entièrement. Je regardais sa nuque blanche, les racines claires de ses cheveux châtains. Sa tête ainsi renversée ressemblait à une fleur qu’on regarde sous la corolle.
Je suis revenue de mes songes. Et sans réfléchir vraiment à ce qu’elle venait de me demander, je suis retournée dans la chambre, j’ai mis le harnais. Je suis revenue dans la salle de bain, elle n’avait pas bougé. Et maintenant c’était ses fesses blanches, avec sa tâche de naissance que j’observais. Puis son sexe, ouvert, le trou offert. Les lèvres encore gonflées, et humides. J’ai hésité à poser un baiser sur sa fesse, puis je me suis ravisée. Je l’ai pénétrée directement, « sans question », sans chichi.
J’ai commencé par un aller et venu bien marqué, en profondeur. Elle l’a accueilli avec un léger râle d’aise. Mes mouvements suivants étaient administrés, ni trop vite ni trop lentement. Elle a commencé à gémir un peu, puis au moment où j’ai amplifié la mesure, elle s’est brutalement tue. J’ai demandé si ça allait. « Oui. Continue », a-t-elle répondu, sur un ton si contrôlé que j'ai commencé à m’interroger sur cette fantaisie. J’ai mis plus d’ardeur à la pénétrer, je voulais me rassurer en lui arrachant un autre gémissement. Mais elle ne s’exprimait plus. Finalement je suis revenue à une allure très régulière, son sexe brûlait de liquide, je filais rapidement, comme un coureur de fond. Soudain j’ai senti une énergie monter. Indistincte. Gonfler. Et elle s’est mise à pleurer. Je n’ai pas arrêté, je lui ai demandé ce qu’elle désirait. Sa petite voix étouffée a gémis un « non, non, continue, ne t’arrête pas ». Alors j’ai continué, détournant mon attention de ses sanglots, j’ai pris le contre-pied, je suis devenue barbare, acharnée à transformer ses pleurs en plaisir. Mais les sons de désarroi, mêlés à certains moments à de la rage, me rappelait à une réalité aussi crue, et bien plus forte que mon imagination. Je vibrais au son de sa douleur, et mes tripes grésillaient, malades à mesure que je la trucidais. C’est moi qui allais craquer. J’ai retrouvé le chemin de ses pleurs. Je les ai écoutés, un court instant, touchée et émue. Peu à peu ils se sont détachés, ils ont flotté autour de nous, avant de me réinvestir, et d’accompagner mes gestes, de pousser mes hanches plus loin, toujours plus loin pour la pénétrer. Je consolais une part intangible.

Elle a joui à travers les pleurs. Elle a joui infiniment en terminant sur des hoquets de rires. Epuisée, elle a pris deux larges serviettes de bain qu’elle a étalées dans la baignoire, et s’y est allongée. Je l’ai rejointe. Je l’ai prise dans mes bras, et nous sommes restées comme ça, en silence. Nous avons recommencé ce scénario plusieurs fois. Au fur et à mesure j’étais moins empathique, plus concentrée vers l’avènement de sa jouissance. Nous poursuivions parfois dans la baignoire. J’en attrapais des bleus pleins les bras et les genoux. Jusqu’au jour où j’ai vu deux sacs de gravats devant son palier. Elle avait explosé sa baignoire à coups de masse. Je me rappelle les petites entailles sur ses pommettes dues aux éclats qui avaient jailli jusqu’à son visage. Nous sommes allées chez moi ce jour là. Et le lendemain, il y avait une douche dans sa salle de bain. On y a baisé, mais très différemment.

Aujourd’hui elle vit à New York. Et quand elle m’a appelé de là-bas la première fois elle m’a dit, assez gaiement, « Tu devineras jamais ce qu’il y a dans ma salle de bain. Un jacuzzi ! »

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