dimanche 29 septembre 2013

Scène 35 - Le Baiser

Son visage s'altérait, trahie par l'angoisse de la mort. Elle palpait de ses mains le mur derrière elle pour y trouver du réconfort, quand d'un revers de tête qui me surprit par sa vigueur, elle plongea son regard dans le mien.  
Une force invisible la soutenait; m'appelait, au travers de ses lèvres mourantes. J'étais dévorée, aspirée, livrée à chacun des halètements qui faisaient fléchir ma volonté. Il me semblait combattre des milliers de bras, des milliers de lierres mortifères s'enroulant à mes poings et chevilles. En vain.

Au paroxysme d'un pouvoir qui m'était inconnu, elle drainait mes propres veines de leur sang, les transformant en câbles douloureux qu'elle ramenait avec hargne vers elle. Elle m'abimait d'un regard dont je ne pouvais plus me détourner, par crainte que son absence ne me brise sur le champ, aussi certainement qu'il me pénétrait à présent de son intensité. La pièce n'était plus qu'un brouillard dans lequel tournoyaient les lumières des chandeliers, et dont les éclats miroitaient si vivement à la surface de ses mèches blondes, que j'étais terrifiée à l'idée d'y voir apparaître le tonnerre et les serpents.
Je croyais encore livrer un terrible combat lorsqu'à quelques centimètres d'elle, je devinais l'ardeur des battements de son cœur, et sentis sur mon cou ses pommettes fiévreuses et la brûlure de ses lèvres. Ses bras entourèrent mon col : "  Meurs " soupira-t-elle. Le mot se répandit jusqu'à mon cœur comme un venin mortel. Son corps se crispa, torturé par la venue d'une toux sanglante dont je sentis la moiteur se répandre dans le creux de mon épaule. Au travers de ses yeux mi-clos je voyais encore sa bouche, moqueuse et provocante. 

Je la portais à présent, usant des dernières forces qui auraient pu m'arracher à son pouvoir. Elle me serra plus fort, pressa sa poitrine contre la mienne, si bien que les parfums de sa chevelure continuèrent de jeter sur moi de nouveaux filins. Vaincue, je n'aspirais plus qu'à la mort. Et alors que je goûtai à la saveur de son sang, je sentis à nouveau la douce pression de sa bouche sur ma nuque et ses bras se refermer autour de moi avant de m'entrainer lentement dans sa chute.  Une douce chaleur monta, un apaisement, la sérénité. J'enfouissais mon visage sous son menton, m'échappant définitivement du monde, repliée comme un oiseau mort. Ses ongles s'enfoncèrent dans ma chair quand elle fut balayée par une salve de douleurs. Et je l'attirai contre moi cependant que je la berçais. 

Je devinais le passage qui s'ouvrait à elle alors que s'engourdissaient ses membres. Je nous déposais toutes deux au sol. Sa tête s'agitait maintenant confusément alors que tout son corps gisait d'un sommeil lourd. Dans un dernier éclat, elle ouvrit des yeux calmes et froids, la bouche tordue par un grognement animal et une respiration bruyante qui gonflait sa poitrine. Elle agrippa mon col, racla ma peau de ses ongles jusqu'à la déchirure. J'eus un léger mouvement de recul pris d'un dernier sursaut en faveur de la vie, qu'elle devina aussitôt. Elle ficha ses yeux dans les miens, et m'embrassa d'un baiser dont je ne revins jamais.

Scène 34 - Salaud, amore

Comme j'ai abandonné l'amour, je suis retournée, quatre mois avant, là où j'en étais. Dans la haine, les mains, les épaules, la tête à peine sortie de cette flaque. 
Pour son premier jour, elle a voulu que je me mesure à elle. Elle m'a menée vers mon café habituel. J'ai rôdé là, sans amitié, sans désir de sérénité. J'ai laissé trainer mon regard dans les pupilles qui cherchaient le désespoir ou l'envie. J'ai trouvé. J'en ai trouvé un. Tignasse mal peigné comme je les aime ces jours là. Pas rasé depuis la veille, un peu râpeux sur les joues. Juste assez pour ne pas trop aimer être embrassé.

 Arrivés chez moi, je nous ai conduis à la chambre. Sans boisson, sans minaude. J'ai enlevé le haut, j'ai baissé le bas. Il a compris où je voulais en venir. Il m'a poussé sur le lit, m'a pénétré comme ça. J'ai arraché la moitié de son oreille, car il fallait bien un peu de mise en scène. Au moins pour lui; histoire qu'il ne débande pas. Mais il n'était pas du genre à se laisser impressionner par la scène. Il a joué son rôle de petit salaud qui, venu là, n'a rien d'autre à branler que son affaire. J'ai pris mon pied. Quand il a fini je l'ai rattrapé à nouveau par les oreilles, j'ai dit " encore une fois ".  

Le temps d'attendre la recharge, il a joué le joli-cœur entre mes cuisses - j'aime les langues de ces bonhommes là; franche et large, courant sur mon sexe de là à là. Puis il est revenu, il a tiré sa queue plusieurs fois. Moi je voulais qu'il cogne, qu'il s'enfonce dans le matelas avec moi. Mes mains sur son cul au travail, je n'avais rien d'autre que cette envie là.

Je suis retournée dans la haine. Celle qui vous met dans cet état. Celui de vous faire baiser par la mort et d'aimer ça.


dimanche 15 septembre 2013

Scène 33 - Amour interdit


- Salaud ! 

- Depuis le temps que j'attends que tu me dises ça. Salope. Lui ai-je répondu en me levant du canapé. De toute ma hauteur, je me suis avancé vers elle.

- Ce n'est pas ça que tu voulais ?  Depuis le temps que tu me le demandes. C'est pas ça qu'y 't plait ? Te faire traiter comme une pute ?

La claque a volé.

-Celle-là je l'attendais. Mais qu'est ce qu'elle est hypocrite. C'est tout ce que t'as dans la main ?

Ma claque s'est abattue plus lourdement sur sa joue.
Alors qu'elle portait la main à son visage, ahurie par ma réaction, elle voulut riposter en me bousculant. J'attrapai ses poignets et les emportai avec moi contre le mur, soufflant le reste de ma colère à son visage.

- C'est pas ce qui te fait bander un gros salaud entre les cuisses ? lui dis-je hargneux à l'oreille, alors que je fouillais dans sa culotte. ... Putain mais tu mouilles déjà salope, ai-je constaté d'un air dégoûté ... C'est pas ça que tu vas chercher auprès de Victor ? Un bon gros salaud friqué qui t'en fout plein la gueule ? Tu croyais que j'allais pas remarquer tous tes bleus la dernière fois ? Il a fallu que t'y retourne voir ce gros con. Et Justine ?  T'aimes ça quand elle te pille, hein ? Qu'elle te traite comme sa chienne. 

- Arrête ça, a-t-elle demandé révoltée par mes manières.

- Et ne pas profiter de ça ? m'exclamais-je en remontant mes doigts sous son nez et vers le mien. Mais ça ! Je ne vais pas m'en passer.  Non... On va redéfinir les choses. C'est juste fini le gentil amant épris qui t'aime et te chérit. C'est pas ça que t'es venu chercher chez moi, comme chez tous les autres d'ailleurs. Non.... c'est pas ça. Tu le sais ce que j'ai au fond des veines, hein ? C'est ça que t'es venue chercher.  

- Arrêêêête a-t-elle crié cette fois d'une voix qui appelait aussi du secours. 

Une main sur sa bouche, j'ai continué de la harceler, fourrant mon nez dans ses cheveux blonds.

- Les gens qui t'aiment ça te suffit pas, hein ? Il te faut un bon gros salaud qui t'écrase ? ... Tu vas quitter ton job demain. Tu ne vois plus tes putains d'amis les tarés. Tu ne sors plus. J'vais t'traiter comme ma petite salope puisque c'est ce que tu veux, et tu vas tellement aimer ça, que tu vas te briser. Tu vas pleurer. Tu vas en vouloir plus. Puis un jour tu vas me supplier de t'aimer. Mais ça sera déjà tellement loin tout ça. Tellement loin. C'est fini.

Rassérénée par un sursaut de peur, elle m'a échappé un instant, et a tenté de rejoindre le vestibule pour sortir de l'appartement. La voir partir me mit dans une rage noire. Je l'attrapai au milieu du salon par le bras.

- Tu es fou, a-t-elle lancé avec une autre claque que j'ai évitée.

 Nous avons esquivé chacun les coups furieux de l'autre. Mais dans un éclat de mains j'ai pu la saisir au cou. Je l'ai étranglée de longues secondes en la guidant à terre. Malgré ma prise elle a réussi à me surprendre et à m'entrainer dans un dernier tumulte au sol qui a tourné à mon avantage. Immobilisée sous mes cuisses et mes poings, j'ai recommencé, le sourire aux lèvres :

- Tu vas pas partir comme ça. Non... Tu vas pas partir, lui ai-je assuré d'un ton lugubre, une main à nouveau autour de sa gorge alors que je m'approchais pour l'embrasser. 

Au lieu de recevoir mon baiser, elle a chipé ma lèvre et l'a mordue en m'arrachant un cri et une douleur terribles. En retour je lui ai assénée une claque à la tempe qui l'a séchée au sol. J'ai alors humé sur sa peau les  effluves de sueur et empoigné sa poitrine encore haletante. Je suis allé m'enfouir dans son cou tandis que d'une main crispée et agacée j'ai commencé à déboutonner son chemisier. A la moitié des boutons défaits, elle s'est animée à nouveau, et j'ai préféré assurer ma prise sur son corps , me faisant admettre avec force entre ses cuisses. Puis j'ai mieux défait son pantalon, et glissé mes doigts dans son sexe. J'ai fouillé au plus loin dans les replis chauds. 

D'une main amollie par la fatigue, elle essayait vainement de barrer ma progression. J'ai lu son impuissance et sa supplique lorsqu'elle a compris qu'épuisée, son bras ne lui était d'aucune aide. Et pour accroitre son désarroi et la narguer j'ai délaissé un temps son sexe, et suis venu retirer lentement sa main de mon buste pour y déposer un baiser avant de revenir tout aussi facilement dans le renfoncement de ses cuisses et de commencer à la pénétrer. 

Mes yeux dardés dans les siens, j'avais hâte d'entendre un gémissement ou la formule d'une nouvelle supplique. Sous la pulpe de mes doigts, la chair molle s'est gonflée et a commencé à suinter. J'en étais si satisfait que ma caresse s'en est trouvé ragaillardie. Agressif, j'ai glissé plus haut et ramené plus bas les élastiques de la chair. Les tissus se sont tendus, révélant des reliefs qui m'invitaient à découvrir des recoins plus voluptueux en profondeur. Et j'ai entendu de sa bouche un premier murmure. Un murmure qu'elle a réprimé et qu'elle m'a refusé tant et si bien qu'il m'a encouragé à venir lui arracher avec plus de vigueur. 

Sournoisement, je l'ai câlinée un peu, j'ai bercé ses hanches, une main agrippée à sa taille. Puis refermant mes doigts haineux sur sa gorge, j'ai repris ma sauvagerie, menacé, serré sa petite gorge blanche. Son sexe qui s'ouvrait encore m'a emmené à taper dans la coudée profonde. Lentement, puis brutalement j'ai tambouriné agilement. De petits piaillements distillés entre des pleurs sont arrivées par flopées. J'ai continué mes allers et venus, infaillibles et cruels, gagnant toujours plus de vitesse, toujours plus de rudesse à mesure que je croyais la posséder. 
Mais concentré à trouver de quoi l'exciter toujours plus, j'avais tant relâché ma prise, qu'elle a pu me faire basculer à la renverse et s'est précipitée dans la cuisine. Je l'ai trouvé un couteau à la main, me refoulant en arrière pour la laisser passer.

- Non... lui-ai-je dit avec certitude. Tu ne pars pas. Tu ne partiras pas sans moi.

J'ai bondi sur elle, et au moment où je lui disputais le couteau, j'ai subitement attrapé ses mains et retourné la lame contre son ventre. Le métal s'est enfoncé avec si peu de résistance que j'ai recommencé et l'est planté encore. J'ai levé alors mes yeux vers elle, pour lire dans sa stupeur ce qu'il venait de se passer. J'ai vu s'écumer les premiers bouillons rouges à ses lèvres devenues soudain si blanches et asséné une autre entaille à son ventre. Elle a flanché cette fois sur ses jambes et s'est rattrapée à mon épaule portant son autre main vers les béances irréelles. 

 Au travers de ses yeux qui mouraient lentement, elle m'a regardé obliquement. Puis un hoquet l'a renvoyée à la souffrance et à la peur qui la transperçaient de part en part. Elle s'est mise à sangloter contre moi. En réponse j'ai enfoncé à nouveau la lame dans sa chair et l'ai emmenée avec assistance s'appuyer dos au mur. Elle y a chuté lentement, et tentant à peine de la retenir, j'ai fourré ma tête sous son menton et l'ai accompagnée dans sa chute. Tous deux au sol, je lui ai dis : 

"- C'est bientôt fini ", n'envisageant pas encore ce que j'avais voulu dire. 

J'ai placé le couteau poisseux dans sa main et guidé la lame vers la partie molle au centre de mon abdomen. Sa tête ballotante s'est levée péniblement. Sa détresse était au-delà des limites de ma compréhension. C'est alors qu'un éclaire de lucidité a frappé sa pupille et j'ai senti la douleur aigre, la froideur du métal percer mon ventre. La vomissure du sang a été impossible à contenir. 
Elle m'a ouvert comme ça, plusieurs fois. Ma tête a piqué dans le creux de son épaule. J'ai entendu ses respirations courtes s'accélérer et j'ai pleurniché alors que la peur remontait le long de ma poitrine.

-Attends-moi, ai-je supplié. Attends-moi.

 Mais elle est partie. Et je me suis mis à compter les secondes où je pouvais encore respirer la fragrance de son parfum.