vendredi 9 juillet 2010

Scène 14 - Cassiopée

Toute la soirée elle avait essayé d’attirer mon attention. Je n’avais rien décelé, j’étais plutôt occupée à ne rien imaginer. Quand je décidai de partir, bien rassasiée de conneries futiles, elle en fit de même.

Nous étions en train de descendre les escaliers en échangeant des légèretés sur la soirée, quand elle m’a embrassée. Sans prévenir. Sans signe avant-coureur. Mais peut-être y en avait-il-eu. Je ne sais pas. Mais quand ses lèvres ont touché les miennes, je me suis demandée comment j’avais songé partir sans ce souvenir, sans cette sensation de tendresse qui, des lèvres jusqu’à la gorge, nous fait tressaillir et flancher sur nos jambes. Et lorsque sa main s’est posée sur mon épaule, puis a glissé vers mon dos, j’ai vibré comme une corde. Je crois avoir soupiré. Ce qui m’a amené à nouveau à ses lèvres plutôt molles, mais chaudes, et pleines d’invitations.

Nous sommes descendues, car les escaliers nous y menaient. Nous avons pris la première sortie : la cour de l’immeuble. Et ses meubles de jardins. Une table. Je l’y précipitai. Et moi-même. Désordonnée. Désordonnées. Les gestes étaient lourds, mais volontaires. Cette envie de toucher le plaisir. Le sien et celui de l’autre. Et l’alcool encore un peu trop présent dans nos veines. Je me perdais dans ses vêtements. Il me semblait que des piles de chiffons me séparaient de la peau, et je creusais comme une morte de soif. Le désert de tissus était immense, et je parcourais sans finir, les boutons, les manches, les cols. Je retirais tout. Le temps était indéfinissable, et je perdais haleine. Quand enfin, la peau, chaude, brûlante dans la nuit d’été, m’apporta le soulagement de pouvoir appuyer un baiser quelque part, de donner moi aussi ma part : j’y collai mon front, mon visage, je n’ouvrai plus les yeux, je devinais tout par l’effleurement des lèvres. Et la langue entama une exploration nouvelle.

Je léchais le cou, l’arête du cou, le décolleté, entre les seins, et la sueur, salée. Salée. Je me répétais, c’est salé. Et je cherchais plus bas. Je descendais sur son ventre. Avec dévotion je révérais ma chose, ma baise d’un soir. Je ne savais plus bien qui se trouvait là-haut dans le ciel de cette nuit d’été. Nous sommes en été. Je me répétais, nous sommes en été, l’air est doux et frais.

Quand je baissai son short, je n’y allai pas courtoisement. J’entrai sans demander, sans m’annoncer. Et la mouille était là, le sexe bouillant, et son gémissement aussi. Mais il ne fallait pas. Il ne fallait pas car nous aurions pu être entendues. Et les invités étaient trois étages au-dessus de nous, à fumer des gauloises, ou des camels, ou des roulés. Je jouais de ses variations, je déployais sa gamme. Puis je lui disais : Shhh….

Je la baissai d’un ton. Je me mis à la lécher. Doucement, petitement. Elle n’avait plus rien à plaindre. Elle tenait au bord de la table, sur le bout de ma langue. Et parfois dans ma bouche entière. Quand finalement je n’y tins plus moi-même et j’avalais tout, je gobais et léchais plus qu’à la raisonnable. Qu’importe qu’on nous entende, qu’importe tout. Je voulais son sexe entier, le plus longtemps possible capturé entre mes lèvres. Je la tenais ainsi plusieurs minutes. Quand ses plaintes me pressèrent d’aboutir.

Je finis d’un trait. De coups de langues dévastateurs, calculés pour plaire et frustrer. Lorsqu’elle s’approcha de cet énervement là, je la bousculai vers une limite qu’elle ne soupçonnait pas. Et son sexe frémit, et ses cuisses tremblèrent, et un certain amour fraternel s’empara de moi. J’eus le réflexe de la recueillir dans mes bras. Et de lever les yeux vers les étoiles et de lui montrer. Cassiopée.