jeudi 28 janvier 2010

Scène 9 - Partie de campagne


Bande-son : Bear in Heaven - "Lovesick Teenagers"

Nous avions profité de l’heure creuse pour dépoussiérer les bicyclettes et gonfler les pneus, bien au frais dans la grange, à l’abri de la chaleur de midi. Je regardais les cadres bleus briller à nouveau sous le soleil. J’écoutais le roulis de la chaîne égrener les mètres parcourus. J’ouvrais grand la bouche, avalais l’air, sortais la langue pour goûter les épices de l’été. Puis j’écarquillais les yeux malgré la brise, à m’en faire pleurer à grosses larmes, pour suivre tout le défilement des couleurs grasses et vives alentours. Les fleurs jaunes, les brindilles fléchis et cassantes, les herbes piétinées et vertes, les bordures en friches, les taillis encombrés de ronces, et les ronces parsemées de baies pâles, dures, qui noirciraient à la fin de la saison, pour donner le jus sucré et âpre des mûres. Je pensai aux tâches de mûres. Aux confitures confectionnées tant de fois.
Arrivée en haut du chemin agricole, le paysage grandiose de la campagne me tira de ma rêverie. A perte de vue sous les nuages blancs, les champs dessinaient l’été, de tournesols, de blés, de vallons lointains et imaginaires. Nous nous arrêtâmes pour profiter un instant du panorama et remplir nos poumons de ce vent si particulier, à l’odeur de bêtes agricoles et de terre.

Lancée à toute allure en vue de la dernière montée, je retrouvai soudain devant moi la silhouette agitée et familière de ma complice d’autrefois. Elle m’emmenait cet après midi sur les traces de notre enfance. Je jetai un œil à son corps devenu adulte, à la peau finement bronzée de ses cuisses, à son petit short qui soulignait ses fesses et sa taille agréable, ses bras chétifs, nerveusement agrippés au guidon, qui commençaient à se bagarrer avec la pente. Le tissu lâche de son débardeur flotta au vent dans la descente, tout comme ses mèches blondes.

Nous jetâmes les vélos à l’entrée du près, et passâmes les fils barbelés chacune notre tour. Longeant les buissons, à l’affût des bruits de la ferme que nous traversions, nous nous remîmes dans la frayeur délicieuse de nos bêtises. Un vieux chien aboya un avertissement morose, puis défaitiste et résigné, traîna sa chaine à l’intérieur de sa niche. Nous arrivâmes enfin au point sensible : il fallait courir quelques mètres à découvert, devant les fenêtres de la résidence des propriétaires, puis passer derrière la grande bâtisse qui servait d’étable. Je me lançai en premier. Puis vérifiant que la voie était libre plus loin, je lui fis signe de me rejoindre. Elle déboula vers moi d’une manière dégingandée qui me fit pouffer de rire. Je l’attrapai au vol pour l’arrêter avant le petit muret. Je sentis le choc de son buste contre le mien et nos joues se frôlèrent. Je sentis, l’odeur miel et boisé de ses cheveux.

Nous marchâmes tranquillement dans le près, et arrivâmes devant le pigeonnier, qui nous servait de QG, enfants. Le sol était jonché de tuiles éclatées. Le toit en état déplorable, montrait un trou béant en plein milieu. Nous contournâmes la zone puis montâmes à l’échelle de bois. Je trouvai devant moi une chaise cirée, un paquet ouvert de bougies, un matelas, des livres et des cigarettes écrasées dans un vieux cendrier doré. Elle était venue quelques jours plus tôt sans me le dire. Je m’enquis de la raison de cet aménagement.

- Je voulais revenir ici. J’ai pensé à cet endroit... de nombreuses fois. Je voulais revenir ici avec toi. C’est pour ça que je t’ai amenée. Est-ce que… tu te souviens, de ce jeu ?

Elle prit ma main droite, tourna la paume vers elle, et fit le signe secret de notre enfance. Bien sûr, je me souvenais. Et mes yeux ne quittèrent plus les siens. Mon corps, immobile, ne savait quel mouvement entreprendre. Fallait-il l’interroger à nouveau sur ses intentions?
Elle tira ma main vers elle, et la posa sur son sein. J’étais comme une pierre. Comme une pierre qui allait être brisée par le pilon qui, crescendo, martelait l’intérieur de ma poitrine. J’allais me briser, là, si je ne bougeais pas.

Je fis le pas qui m’éloignait d’elle, l’attrapai par la taille, la dévisageant gravement. Elle mit ses mains sur mes épaules, puis posa sa tête contre moi. Nous restâmes un instant sans bouger. Elle releva le menton vers moi, et nous nous embrassâmes. L’invitant à descendre vers le matelas, je retins sa chute, et la déposai avant de m’ensevelir dans sa chevelure, et de glisser le long de sa joue, de son corps. Je replongeai un instant dans ses yeux, et fus émue par l’ouverture de ses lèvres. M’approchant d’un souffle je perçue le désarroi dévorant, le tiraillement sensuel qui si souvent me faisait la désirer. Je fondis sur sa bouche, pointant le bout de ma langue sur la sienne. Et nos langues se caressèrent habilement, jusqu’à ce que les baisers deviennent voraces , presque brutales. Je fis mine de mordre sa mâchoire. Elle se détourna avec vigueur, puis revenant rageusement sur moi, elle me renversa sur le dos. Sans attendre, elle planta ses dents dans l’arête saillante de mon cou. J’étouffai ma surprise. Elle serra plus fort. Mon plaisir grouilla de la poitrine à mon cou, et j’hoquetai dans un gémissement plaintif. Je fondis entre la douleur et le plaisir, sans essayer de m’opposer vraiment. Je la laissai décider, comme un animal abattu. Elle aurait pu déchiqueter ma peau, percer la veine, je restai là, à aimer le poids de son corps sur moi, à aimer qu’elle enfonce toujours plus loin ses canines. Elle serra encore. Immobile et décidée. Je repris mon souffle, puis un autre, et le rythme de ma respiration s’accéléra dans une insuffisance mécanique. Instinctivement j’essayai de me dégager, mais elle me garda fermement entre ses mâchoires. Je sentis la veine m'avertir entre ses dents, l’adrénaline cogner brutalement à mes tempes, puis mon souffle se raccourcir dans ma gorge, jusqu'à devenir un mince et calme filet, proche de l’extinction. Délabrée, ma conscience avait fui mon crâne. Elle habitait tout mon corps. Ma peau avait gagné une perception accrue, et mon sexe perçut avec finesse la main caressante, qui progressait vers les grandes lèvres. Les doigts souples et sûrs me donnèrent un plaisir immédiat. J’errais quelque part entre les deux pôles persécutés. Dans l’impossibilité de me focaliser sur l’un ou l’autre, je me laissai emporter par une bulle qui m'emmena vers une haute atmosphère. Je fus choquée par des respirations saccadées, tandis que les doigts caressaient et les dents menaçaient toujours. Je ne distinguai bientôt plus par où j’étais conquise. Le cou transpercé, le sexe fouillé sans cesse. Les enchainements n’eurent plus de sens, et l'orgasme afflua bouillonnant et si immense que j'hésitai à me laisser prendre. Mais il décida pour moi.
Quand elle relâcha son emprise, je mis quelques minutes à retrouver mes esprits, puis je la regardai d’un air entendu, et provoquant.
- Je vois, dis-je. Peut-être est-ce à mon tour de te rappeler quelques bons souvenirs.

Je me jetai sur elle et la tournai à plat ventre. Mon bras lancé en écharpe autour de son encolure, je l’écrasai à l’avant, faisant mine de l’étouffer. Elle se rebiffa, et je ris derrière sa nuque, lui soufflant une brise désagréable à l'oreille. Je la taquinai encore, de mes dents et de ma langue. Elle protestait vainement alors que peu à peu je circonscrivais ses mouvements sous le poids de mon corps. Dans la bataille je plaçai une cuisse entêtante entre ses jambes, et la collai à son sexe. Elle trouva rapidement l’avantage de sa position. Et j’encouragerai les mouvements de sa croupe contre la peau de ma cuisse, lui intimai de frotter son sexe bien ouvert. Profitant de cet instant, je desserrai ma prise, pour mieux placer le garrot. Ma paume vint s’imbriquer à la base de son cou, contre le battement infime de la carotide. J’appuie doucement mais fermement. Son corps succomba lentement, plus lourd, plus lâche. Elle se mit à s’étriller indignement contre ma cuisse, à pousser des soupirs longs, à rouler plus loin ses hanches. Le glissement de ses chairs moites le long de ma cuisse, ses fesses montées toujours hautes contre mon pubis, me grisèrent, et je serrai les dents pour ne pas céder trop vite à l’envie de l’envahir profondément. J’ôtai ma main, léchai le haut de son dos, mordai fort. Elle poussa un cri plaisant. Je léchai ses épaules, avant d'attaquer doucement autour du point maître. Exerçant une succion légère, augmentant la morsure, je m’acharnai à jouer sur la pression sanguine. Je levai soudain la tête, curieuse de trouver les pépites rouges concentrées sur son cou. Je fus satisfaite par la marque; et la plantai cette fois plus franchement de mes dents. Elle haleta dans un cri mourant et timide, non loin d'une respiration reconnaissante. Je glissai alors mon pouce dans la béance humide de son sexe, tenant entièrement son sexe dans ma paume et mes doigts, prête à recueillir ou à l’emmener là où je la désirais plus à moi encore.


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